|    Espèces 
              de la langue parlée, les proverbes et les dictons appartiennent 
              à un code particulier déterminé par les limites 
              d'une langue et d'une certaine période historique. Conformément 
              à la thèse fondamentale de la linguistique, les signes 
              sont choisis en fonction d'un contenu de pensée, qui a imposé 
              leur utilisation. On met l'accent sur les éléments 
              produits par l'état affectif et la fantaisie du sujet parlant, 
              due à une réalité extralinguistique.  
              Si les proverbes sont des éléments connotés 
              (le signifié est transféré d’une sphère 
              sémantique à une autre), les dictons sont, tout au 
              contraire, des éléments non conditionnés.  
              Comme les proverbes et les dictons sont doués d'une grande 
              dose d'expressivité appartenant au peuple entier, notre communication 
              se propose de relever, grâce à la répétition, 
              certaines valeurs expressives de ces faits de langue. 
              La répétition est définie en général 
              comme un procédé stylistique qui consiste dans la 
              reprise d'un mot ou d'un groupe de mots pour exprimer l'intensité 
              d'une action ou d'une qualité et certaines situations circonstancielles 
              (la distribution, la progression, la durée etc.). 
              Le pouvoir expressif de la répétition est lié 
              à la nature linguistique du procédé. On ne 
              peut pas tracer une frontière nette entre la structure linguistique 
              et celle stylistique. La structure linguistique d'un énoncé 
              peut devenir structure artistique si les dénotations sont 
              remplacées par connotations provenant de l'actualisation 
              de l'expressivité.  
              La répétition illustre ce passage de la grammaire 
              logique au domaine de la stylistique, car elle est comme un supplément 
              à ce qui existe déjà et ne satisfait pas nos 
              nécessités affectives. Parfois, la reprise du mot 
              est accompagnée aussi par un changement de sens pour souligner 
              la nouvelle valeur. 
              Dans les proverbes, la répétition, comme procédé 
              stylistique, est utilisée pour nuancer l'émotion. 
               
              1. Conformément à certains buts artistiques, 
              qu'on essaie de présenter dans ce qui suit, la répétition 
              immédiate est une modalité de présentation 
              concrète par l'insistance sur l'un des termes de l'énoncé. 
              La formulation insistante vise à donner à l'idée 
              un surcroît d’authenticité : 
              Autant de pays, autant de guises. 
              Autant de têtes, autant d'avis. 
              Chose promise, chose due. 
              Tel travail, tel salaire. 
              Grand parleur, grand menteur. 
              Hors de vue, hors de souvenir. 
              Loin des yeux, loin du coeur. 
              À grande montée, grande descente. 
              Place libre, place prise. 
              Premier levé, premier chaussé. 
              Celui qui ne sait pas quand il fait garder le silence, ne sait pas 
              non plus quand il faut parler. 
              Comme tu auras semé, tu moissonneras. 
              Dur contre dur ne font pas bon mur. 
              Goutte à goutte, l'eau creuse la pierre. 
              Morte la bête, mort le venin. 
              Qui fait bien trouve bien. 
              Qui n'entend qu'une cloche, n'entend qu'un son. 
              Qui peut le plus peut le moins. 
              Qui veut la fin veut les moyens. 
              Rira bien qui rira le dernier. 
              On n'a rien sans rien. 
            2. 
              Morphologiquement les termes qui se répètent, le plus 
              souvent, sont des adverbes et des verbes. Parfois, le verbe qui 
              se répète apparaît, à la forme négative 
              ou dans une structure négative, dans la seconde partie du 
              proverbe, créant ainsi l'antonymie parémiologique. 
               
              Il arrive en une heure ce qui n'arrive pas en cent. 
              On voit une paille dans l'oeil de son prochain et on ne voit pas 
              une poutre dans le sien. 
              Le chat aime le poisson, mais il n'aime  
              pas à se souiller les pattes  
              Qui demande à crédit ne demande pas au poids. 
              Mal sait parler qui se taire ne sait.  
              Qui est propre à tout n’est propre à rien. 
              Qui trop veut prouver ne prouve rien. 
              Dans la répétition double (même triple), les 
              deux (ou trois) termes compris sont repris soit dans la deuxième 
              partie, soit dans le cadre de la même partie du proverbe: 
               
              Oeil pour oeil, dent pour dent 
              Pas de fumée sans feu, ni de feu sans fumée. 
              Le mot répété confère du relief au contexte. 
              La reprise peut mettre en évidence une antithèse, 
              des correspondances ou des corrélations. 
              La répétition est parfois riche et couvre tout le 
              proverbe ce qui fait apparaître une symétrie parfaite. 
              La combinaison de l’antithèse avec l’inversion 
              crée une opposition sur le plan des idées. 
              Les fous sont plus utiles aux sages que les sages aux fous. 
              Manger pour vivre, et non vivre pour manger. 
              Qui médie des autres devant toi, médira de toi devant 
              les autres 
              Qui n’aime son métier, son métier ne l’aime. 
              Bouche en coeur au sage, coeur en bouche au fou. 
            Dans 
              ces proverbes, la reprise contraint le lecteur à la réflexion 
              nuancée. On reprend les mêmes mots pour mettre l’accent 
              sur ceux qui sont différents, la répétition 
              contribuant ainsi à la résonance du sens.  
            3. 
              Ce qui intensifie aussi la valeur expressive du proverbe est la 
              répétition de structure. 
              3.1. On reprend les mêmes termes 
              ayant des fonctions syntaxiques différentes : 
              sujet – complément Argent appelle argent 
              Abîme attire un autre abîme. 
              Complément – sujet Ce qui vient de pille, pille s’en 
              va de tire. 
              Complément – complément Du diable vient, au 
              diable retournera. 
              On ne donne rien pour rien. 
              Qui sert à l’autel, doit vivre de l’autel. 
              Sujet – attribut Les affaires sont des affaires. 
              Le loup est toujours loup et mourra dans sa peau. 
              Attribut – complément Tout est bien qui finit bien. 
            3.2. 
              Apparenté à ce type de répétition est 
              celui où l’on reprend des termes à base lexicale 
              commune : 
              À force de forger on devient forgeron. 
              Chat et chaton chassent le raton. 
              Dépends le pendard, il te pendra. 
              Qui ne veut point danser ne doit se mettre en danse. 
              Qui premier arrive au moulin, premier doit moudre. 
              Le bossu ne voit pas sa bosse, mais il voit celle de son compagnon. 
              À l’oeuvre on connaît l’ouvrier. 
              Qui vole une fois est appelé voleur. 
              Ce que pense l’âne, ne pense l’ânier. 
              Il viendra moudre à mon moulin. 
            3.3. 
              Le changement du verbe, de la voix active à celle pronominale, 
              d’un mode verbal à l’autre (indicatif – 
              subjonctif; infinitif – indicatif; indicatif – infinitif; 
              infinitif – gérondif; impératif – indicatif) 
              et d’un temps à l’autre (présent – 
              futur) dans le cadre du même mode, rend le contexte expressif 
              : 
              Qui garde bouche, se garde son âme. 
              Dieu me garde de mes amis ! Je me garderai de mes ennemis. 
              Qui n’a argent en bourse ait miel en bouche. 
              Pense deux fois avant de parler, 
              Tu en parleras deux fois mieux. 
              Mieux vaut pauvre et homme de bien que riche et ne valoir rien. 
              On ne peut faire qu’en faisant. 
              Aide-toi, le ciel t’aidera. 
              Qui a bu boira. 
              Qui frappe veut être frappé. 
              Qui trompe aux épingles, trompera aux écus.  
              Qui vole aujourd’hui un oeuf, demain volera un boeuf. 
              Tel est pris, qui croyait prendre. 
              À ne rien faire, on fait des dettes. 
              Faute de se fâcher une bonne fois, on se fâche tous 
              les jours. 
              Gardez votre maison, elle vous gardera. 
            4. 
              Caractérisés par symétrie et concision les 
              proverbes et les dictons peuvent, également, capter l’attention 
              de l’interlocuteur, en l’impressionnant, par la répétition 
              de formes : 
              - l’épiphore : Ce que femme veut 
              Dieu le veut 
             
              Pas de nouvelles 
              Bonnes nouvelles. 
             
              Mieux vaut avoir 
              Qu’espoir d’avoir 
            -la 
              paronomase : Raison fait maison. 
              Vouloir c’est pouvoir. 
              Qui s’excuse s’accuse. 
              Qui refuse muse. 
              Du savoir vient avoir. 
              Bonté passe beauté. 
              Beaucoup de bruit, peu de fruit. 
              Argent changé, argent mangé. 
            Conclusions 
              : 
              Les remarques présentées n’ont pas la prétention 
              d’épuiser le registre des fonctions stylistiques de 
              la répétition. Mais, nous pouvons, pourtant, formuler 
              quelques observations sur les effets expressifs de ce procédé 
              : 
              - la répétition du même lexème dans les 
              deux parties du proverbe ou du dicton (Autant de têtes, autant 
              d’avis) permet l’apparition des corrélations 
              entre les deux séquences. Les couples oppositionnels soulignent 
              les relations de détermination, de causalité et participent 
              à l’ordre moral du monde qui gouverne une société. 
              Greimas (Despre sens, 324) considère que l’étude 
              des nouveaux couples oppositionnels pourrait permettre d’établir 
              les thèmes et la structure du système de significations 
              constituées par les proverbes et les dictons d’une 
              communauté linguistique à une certaine époque. 
              - l’emploi fréquent du temps présent et des 
              modes verbaux indicatif et impératif met mieux en évidence 
              la place importante que le proverbe et le dicton occupent dans le 
              discours. Le temps présent, utilisé dans de simples 
              constatations, sert à énoncer des vérités 
              éternelles. 
              - la répétition des mots en rime favorise une compréhension 
              affective et le message s’imprègne mieux. 
            Arrivés 
              à ce point du travail nous considérons que, dans la 
              parémiologie, les rôles stylistiques de la répétition 
              ne diffèrent pas fondamentalement de ceux de la langue littéraire 
              écrite. 
            BIBLIOGRAPHIE 
            Dictionnaire 
              de la langue française – Lexis, Larousse, Paris, 1994. 
              Fontanier, P., Les figures du discours, Flammarion, Paris, 1977. 
              Gorunescu, E., Dictionar de proverbe român-francez, Editura 
              Stiintifica si Enciclopedica, Bucuresti, 1978. 
              Greimas A. J., Despre sens, Editura Universitatii, Bucuresti, 1975. 
              Maloux, M., Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Paris, 
              1961. 
              Pineaux, J., Proverbes et dictons français, Presses Universitaires 
              de France, Paris, 1967.  
              Reboul, O., La rhétorique, Presses Universitaires de France, 
              Paris, 1990. 
             
               
               
            
             
              
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